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Forum du petit sténographe Forum d'échange et d'entr'aide autour de la sténographie
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mttiro
Inscrit le: 27 Sep 2011 Messages: 969
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Posté le: Mar 01 Nov 2011 2:28 pm Sujet du message: Sténographie et vitesse d'élocution dans les langues |
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1) L'expérience des sténographes polyglottes est que certaines langues sont plus faciles
à sténographier que d'autres. Ils ont pu constater que le même contenu d'information
est véhiculé en 90 syllabes en chinois mandarin, 100 syllabes en anglais, 150 syllabes en espagnol.
http://www.intersteno.it/uploads/enews35SciCom.pdf
2) Les gens qui travaillent dans le doublage et dans le sous-titrage des films ont pu constater
également que, comme toutes les langues ne tendent pas à se parler avec la même vitesse, cela avait des conséquences très pratiques sur leur travail.
3) Un travail récent a porté sur la vitesse d'élocution dans diverses langues :
François Pellegrino, Christophe Coupé, Egidio Marsico, "A cross-linguistic perspective
on speech information rate’, à paraître dans le dernier numéro de la revue Language.
Je n'ai pas encore eu connaissance de ce travail, mais je compte me le procurer.
La recherche de Pellegrino, Coupé & Marsico corrobore les observations empiriques
des sténographes. L'espagnol se parle plus rapidement que d'autres langues
(ce que l'observation courante laisse attendre, au moins pour l'espagnol d'Espagne). Pourquoi ?
De langue à langue, grosso modo, le même contenu serait véhiculé à peu près
dans le même laps de temps. Seulement, comme la "densité informationnelle"
varie de langue à langue, ceci a pour effet mécanique de faire varier la vitesse d'élocution.
Les données de ces chercheurs montreraient que les vitesses tournent autour de ceci :
- chinois mandarin : 5,18 syllabes / seconde
- anglais : 6,19 syllabes seconde
- espagnol : 7,84 syllabes / seconde
Vous voyez que la différence est très nette : un Anglais parle à une vitesse de 20 % supérieure
à la vitesse d'un Chinois, et un Espagnol parle à une vitesse de 50 % supérieure à celle d'un Chinois.
Sources :
http://www.time.com/time/health/article/0,8599,2091477,00.html
http://appointmentsbilanguage.co.uk/latest-news/how-does-language-speed-affect-efficient-communication/
http://www.sciencedaily.com/releases/2011/09/110901093726.htm |
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lepetitstenographe Site Admin
Inscrit le: 18 Mai 2006 Messages: 721 Localisation: Rennes
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Posté le: Sam 05 Nov 2011 12:04 pm Sujet du message: |
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Ah, ces espagnols ! Finalement l'impression qu'on a en les entendant parler est juste !
Cependant il doit falloir pondérer cette différence par la quantité d'information que portent les syllabes, notamment en chinois où les tons apportent une information supplémentaire, sans rajouter de syllabes supplémentaires, mais j'imagine que, quand on sténograhie le chinois, on doit aussi donner des informations sur les tons utilisés… _________________ http://perso.wanadoo.fr/lepetitstenographe
https://www.facebook.com/groups/170961071494/
http://www.facebook.com/yvon.bourles |
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mttiro
Inscrit le: 27 Sep 2011 Messages: 969
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Posté le: Sam 05 Nov 2011 2:42 pm Sujet du message: Sténo et tons en chinois |
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Dans le vieux système inspiré de Pitman par Julia A. Barrett, Universal stenograph,
or Chinese shorthand (1902), que j'ai signalé ailleurs, effectivement, il faut en effet bien
spécifier les tons. L'auteur le fait en plaçant le sténogramme en trois positions par rapport
à la ligne d'écriture (normalement la Pitman doit être écrite sur du papier ligné). Mais elle ne donne
que trois tons et le mandarin en a quatre.
http://www.archive.org/stream/universalstenogr00barr#page/6/mode/2up
Je suppose que tous les systèmes postérieurs marquent le ton, sinon ça serait atroce. |
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mttiro
Inscrit le: 27 Sep 2011 Messages: 969
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Posté le: Lun 05 Déc 2011 12:27 pm Sujet du message: Précisions sur Pellegrino, Coupé, Marsico |
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Les sténographes, étant concernés par la vitesse d'élocution, pourront être intéressés par ce qui suit.
A partir de l'article cité ci-dessus de François Pellegrino, Christophe Coupé & Egidio Marsico (A cross-language perspective on speech information rate, Language, 2011), je vais donner quelques précisions, mais en simplifiant un peu les résultats (je ne donne pas la fourchette encadrant la moyenne). Les 8 langues comparées sont : allemand, anglais, espagnol, français, italien, japonais, mandarin (chinois), vietnamien (pour une partie des tables numériques). Le mot "information" est à prendre au sens de la théorie de l'information inaugurée par Shannon : c'est ce truc qui se mesure en bits et en octets.
Vitesse d'élocution moyenne en nombre de syllabes par seconde
japonais : 7,84
espagnol : 7,82
français : 7,18
italien : 6,99
anglais : 6,19
allemand 5,97
vietnamien : 5,22
mandarin : 5,18
Bien entendu, ce sont des moyennes qui recouvrent de grandes variations suivant le contexte et les circonstances, le style utilisé, le groupe social, les individus, le type de mots, etc. Chacun de nous peut en faire l'expérience journalière. Mais chacun de nous peut aussi avoir l'intuition que certaines langues se parlent plus vite que d'autres, même si quelques linguistes ont cru voir là une illusion. Ils avaient tort.
L'article donne aussi des informations sur la complexité des syllabes dans 7 des 8 langues considérées, obtenues à partir de grosses bases de données existantes (le vietnamien ne figure pas dans les données disponibles). La complexité syllabique est évaluée en comptant le nombre de phonèmes par syllabe, et en tenant compte du ton pour le mandarin. La complexité syllabique a été calculée d'une part sur les entrées lexicales dans le lexique (les dictionnaires), ce qu'on appelle en anglais des "types", et d'autre part sur des transcriptions d'enregistrements , donc des "tokens", des occurrences en discours. Dans ce dernier cas, est évidemment prise en compte la fréquence plus grande des mots à structure syllabique simple (classiquement dans les mots-outils), ce qui fait chuter le nombre moyen de phonèmes par syllabe par rapport à des calculs faits sur les dictionnaires. Bien entendu, cette deuxième série de données est la plus intéressante dans l'optique sténographique, c'est donc la seule que je reproduis.
Complexité syllabique moyenne (en discours) en nombre de phonèmes par syllabe
mandarin : 3,58
allemand : 2,68
anglais : 2,48
espagnol : 2,40
italien : 2,30
français : 2,21
japonais : 1,93
La conclusion de l'article fournit (dans ma reformulation) l'explication de la variation de la vitesse d'élocution de langue à langue selon le principe suivant.
Les règles présidant à la structure syllabique de chaque langue sont différentes, avec comme résultat que la complexité syllabique varie de langue à langue. A cause de cela, l'information véhiculée par une syllabe varie de langue à langue. On peut faire l'hypothèse qu'on va communiquer en délivrant un flux d'information pas trop variable dans les discours de langue à langue, les êtres humains se comportant d'une façon pas trop différente à cet égard, malgré les différences de langues. Dans ces conditions, il faut que, dans chaque langue, les discours produits véhiculent à peu près le même volume d'information par unité de temps. Comme la densité d'information par syllabe diffère de langue à langue, cela aura pour conséquence la tendance à réguler la vitesse en fonction de la quantité d'information délivrée chaque seconde. Plus la quantité d'information véhiculée par une syllabe est grande, moins il sera nécessaire d'aller vite, et inversement. Il est donc compréhensible que les Chinois parlent moins vite que les Japonais, les anglophones moins vite que les francophones.
Par ailleurs, comme on peut s'y attendre, les langues varient quant au nombre de syllabes différentes qu'on peut y trouver. Mais on va voir que la disparité peut être vraiment énorme, puisque l'anglais offre 19 fois plus de syllabes différentes que le japonais. La richesse en syllabes différentes dépend du nombre de phonèmes consonantiques et vocaliques de la langue, et des règles combinatoires de construction des syllabes (phonotactique).
Nombre de syllabes différentes pour chaque langue
anglais : 7931
français : 5646
allemand : 4207
italien : 2719
espagnol : 1593
mandarin : 1191
japonais : 416
Mon commentaire est celui-ci.
Ceci n'a pu manquer de retentir (par une perception intuitive) sur la conception des meilleurs systèmes sténographiques. Ceci a également des incidences (ou en tout cas devrait peut-être en avoir) sur l'adaptation d'un système sténographique conçu pour une certaine langue et étendu à d'autres langues. Ainsi, au vu des données suivantes, il n'est pas certain qu'un système sténographique conçu pour l'espagnol puisse être étendu à l'anglais ou au français sans un remodelage important. Ceci étant, la facilité procurée par un maintien d'habitudes peut compenser partiellement la chute de performance théoriquement attendue dans un système mal ficelé, lorsque le sténographe passe, pour le "même" système, de sa langue maternelle A vers une langue seconde B.
Dans la même veine, un autre article intéressant est celui-ci : Steven T. Piantadosi, Harry Tily & Edward Gibson, Word lengths are optimized for efficient communication, 2010 :
http://web.mit.edu/piantado/www/papers/PNAS-2011-Piantadosi-1012551108.pdf
Depuis Zipf, et même à vrai dire depuis le sténographe Jean-Baptiste Estoup (ainsi que je l'ai rappelé ici), on a remarqué que la longueur des mots d'une langue semble corrélée négativement avec la fréquence des mots. La tendance est : plus un mot est fréquent, plus il aura tendance à être court. C'est ergonomiquement impeccable.
Mais Piantadosi, Tily & Gibson se proposent de moduler ceci. Au vu des données portant sur 10 langues, on obtient selon eux une meilleure adéquation aux données d'observation en partant de l'idée suivante : la longueur des mots est liée à la quantité moyenne d'information véhiculée par le mot en contexte. Cette idée est également en harmonie avec le principe général (invoqué dans l'article de Pellegrino, Coupé & Marsico) selon lequel le taux moyen d'information délivrée par unité de temps tend être aussi constant que possible ("uniform information density"). Les locuteurs procèdent à des choix aboutissant à faire que le nombre de bits transmis par unité de temps fluctue assez peu. C'est ainsi que les syllabes les plus porteuses d'information auront tendanciellement une durée plus longue que les autres.
Les syllabes accentuées sont également porteuses d'information, et ce n'est pas par hasard si, dans certains systèmes sténographiques, on s'astreint à ne pas, en principe, omettre les syllabes accentuées. Dans la méthode Cima italienne, les abréviations supposent qu'on détermine la syllabe accentuée.
http://www.stenografia.eu/lezione10.html
http://www.stenografia.eu/lezione01.html
La Meschini semble le faire aussi :
http://web.tiscali.it/giochidiluce/sergiosapettimanualestenografia.htm
Par ailleurs certains analystes ont soutenu que les systèmes cursifs de type Gabelsberger conviennent mieux aux langues ayant des mots assez longs, comme le russe et l'allemand. J'ajouterais le grec, pour lequel l'Allemand Joseph Mindler (1808-1868) avait adapté la Gabelsberger :
http://de.wikipedia.org/wiki/Joseph_Mindler
On peut ajouter aussi le hongrois, et d'autres.
La diffusion de systèmes cursifs gabelsbergiens en Europe centrale et de l'est est due en partie à ce que ces pays ont constitué un Hinterland culturel de l'Allemagne. Mais aussi peut-être à des raisons linguistiques. |
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