mttiro
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Posté le: Jeu 06 Oct 2011 12:19 pm Sujet du message: Alexander Melville Bell : la Steno-Phonography |
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Alexander Graham Bell (1847-1922), l'inventeur du téléphone (peut-être après Antonio Meucci) avait un père moins connu que lui, mais très remarquable, Alexander Melville Bell (1819-1905), lui-même fils d'un spécialiste de phonétique.
http://en.wikipedia.org/wiki/Alexander_Melville_Bell
Parmi ses activités, deux nous intéressent, l'une un peu, l'autre beaucoup.
1) Afin d'aider les sourds, Bell a inventé un ingénieux système de notation phonétique, le Visible Speech, dans lequel les symboles suggèrent de façon stylisée la position des organes phonatoires pour la production de chaque son : ce sont donc des symboles iconiques (comme on dit) des production envisagées sous l'angle de la phonétique articulatoire, et non pas des symboles arbitraires, comme ceux, par exemple de l'Alphabet Phonétique International en usage actuellement).
http://en.wikipedia.org/wiki/Visible_Speech
Présentation générale assez détaillée ici :
http://web.meson.org/write/vs-overview.php
2) Par ailleurs Bell senior avait antérieurement mis au point un système sténographique appelé "Steno-Phonography" (1869), conçue au moins en 1854.
Le linguiste Henry Sweet, qui détestait le système Pitman (il l'appelait "Pitfall" = piège, embûche), avait longtemps utilisé la sténo-phonographie de Bell, qu'il trouvait pratique, mais il proposa ensuite son propre système, la Cursive Shorthand (information tirée de l'article de Mike MacMahon, Henry Sweet's system of shorthand, 1981, que j'aurai certainement l'occasion de re-citer ailleurs). Je n'en sais pas plus sur sa postérité, vraisemblablement aussi réduite que celle de centaines d'autres systèmes.
On peut trouver une présentation révisée de Bell ici dans une publication de 1892, d'une douzaine de pages, consultable en ligne :
http://www.archive.org/stream/popularshorthan00bellgoog#page/n6/mode/2up
Le système, extensible à l'allemand, très économique dans son "vocabulaire" et dans sa "grammaire", s'expose en trois pages seulement. Une trentaine de symboles, plus des signes pour "-sion" et pour six petits mots. Ces signes s'assemblent selon une demi-douzaine de principes au plus.
Visuellement, c'est un système géométrique classique, avec des principes familiers. Comme chez Pitman, les paires de symboles pour les sons en opposition non-voisé / voisé (p / b, t / d, k / g, etc.), sont à tracé respectivement fin / gras (on vit encore à l'ère de la plume). Cet appariement systématique est à comparer avec les organisations qu'on trouve par exemple chez Prévost-Delaunay, système connaissant ailleurs l'opposition tracé non appuyé / appuyé, ou chez Duployé, dénué d'une telle opposition, mais pratiquant ici une opposition de longueur ou grandeur (et de même dans le système Gregg).
Partant des considérations habituelles sur le caractère suffisant du squelette consonnantique des mots, même pour une langue à riche système vocalique comme est l'anglais, tout symbole de consonne peut s'écrire soit en grand soit en petit. S'il est tracé en version grande, il implique une voyelle à sa suite. Si le symbole est tracé petit, il note une consonne immédiatement suivie d'une autre consonne. Par exemple "pet" est noté avec deux signes liés dont le premier est grand et le deuxième est petit, afin de noter une structure /pVt/ (V désigne n'importe quelle voyelle). Mais "apt" est noté avec deux signes liés tous deux petits, puisqu'on a le groupe consonnantique /pt/ à la suite du /æ/ initial (j'y reviens ensuite).
Il existe un seul symbole pour toutes les voyelles indistinctement, le point. De plus ce signe à valeur indifférenciée n'est utilisé que pour les voyelles initiales et pour les séquences de deux voyelles adjacentes, comme dans "poet", "piety", "doing", "create", l'une des deux voyelles étant par ailleurs indiquée par le symbole consonnantique grand. Deux voyelles initiales : deux points, comme dans "iota".
Pour "pet", grand symbole pour /p/ lié à petit symbole pour /t/, et c'est tout : on sait illico que le mot a la structure /pVt/. Pour "pity", deux grands symboles liés, donc structure /pVtV/. Pour "piety", grand symbole pour /p/, un point à côté, un grand symbole pour /t/ : on sait que le mot a la structure contraignante /pVVtV/. Pour "apt", Bell donne simplement deux petits symboles liés ; comme il n'existe aucun mot anglais /pt/, on rétablit automatiquement une voyelle initiale, donc un mot de structure /Vpt/. Or il y a quelque chose comme 125 mots terminés par /pt/ :
http://www.morewords.com/ends-with/pt/
Et, là-dessus, les seuls monosyllabes /Vpt/ sont "apt" et "opt" : le contexte tranchera, d'autant que le premier est un adjectif et le deuxième un verbe.
Enfin le "repeater" est un trait perpendiculaire au premier segment, qui note la répétition du son associé audit segment. Ainsi un trait horizontal long terminé par un petit trait vertical notera le mot /tVt/. Les possibilités d'interprétation (dont Bell ne parle pas ici) sont peu nombreuses : "tight", "teat", "tot", et les moins probables "tit", "tat". Si le "repeater" est grand, une voyelle suit, selon le principe général (exemple /pVpV/ : "puppy"). |
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