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Le sténographe fantôme (Pitmanien) de Washington

 
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mttiro



Inscrit le: 27 Sep 2011
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MessagePosté le: Lun 24 Oct 2011 9:08 am    Sujet du message: Le sténographe fantôme (Pitmanien) de Washington Répondre en citant

1) Un sténographe qui se trouvait par là

Le jeune corporal James R. Tanner (1844-1927) était un soldat amputé des deux jambes suite à la bataille
de Bull Run, 1862, plus tard en poste à Washington, car, désireux de contribuer à l'effort de guerre, il avait appris
la sténographie Pitman et était devenu sténographe militaire. Tanner appelait la Pitman "Standard phonography", sans plus.

Alors âgé de 21 ans, il fut appelé lors de l'agonie du président Abraham Lincoln, atteint par John Wilkes Boothe
d'une balle dans la nuque lors d'une représentation théâtrale le 14 avril 1865. Voic comment. Un militaire qui se trouvait là,
le Général Christopher C. Augur (ou alors le Général Halleck, la version de Tanner changea suivant l'époque)
cherchait quelqu'un connaissant la sténo. Or, hasard, Tanner logeait dans la maison jouxtant celle où Lincoln
fut transporté après l'attentat, en face du théâtre, et se trouvait dehors sur son balcon au deuxième étage.
Quelqu'un savait que Tanner était à côté et Tanner répondit à l'appel.

Ici noter un point qui en dit long sur le statut de la sténo à l'époque. Un général peut demander un sténographe
en pensant qu'il a une chance assez raisonnable de peut-être en trouver un pas loin. C'est comme si aujourd'hui
on demandait les services de quelqu'un muni d'un téléphone avec logiciel d'enregistrement sonore.

Tanner nota ce que les propos des personnes présentes. Au début, sous le coup de l'émotion, Tanner n'est pas très performant :
"I was so excited when I commenced, that I am afraid it did not much resemble Standard Phonography
or any other kind but I could read it readily afterwards, so what the difference?".

A la mort du président, le pasteur de l'église presbytérienne fréquentée par Lincoln, le Révérend Phineas D. Gurley,
prononça une prière. Mais à ce moment, mésaventure qui a dû arriver bien des fois aux sténographes dans les moments
les moins attendus, la mine de son crayon s'était cassée dans sa poche, et Tanner ne put noter les paroles de Gurley,
ce qu'il déplore, car, dit-il, Gurney parlait de façon très facile à noter. Les notes sténographiées de Stanton
et la transcription au propre sont conservées dans une bibliothèque de Philadelphie.

L'article de l'historien Howard H. Peckham," James Tanner's account of Lincoln's death" (URL ci-dessous)
reproduit une lettre de Tanner à un ami, du 17 avril 1865, entièrement sténographiée, qui rend compte de cette nuit.

http://www.smithsonianmag.com/history-archaeology/lincoln.html?c=y&page=3
Article de l'historien Peckham dans le Abraham Lincoln Quarterly, cette page et les suivantes :
http://quod.lib.umich.edu/a/alajournals/0599998.0002.004/26?rgn=full+text;view=image


2) Une phrase mémorable. mais laquelle ?

Après la mort du président, le matin du 15 avril, Edwin Stanton, le ministre de la guerre du gouvernement Lincoln,
prononça une phrase mémorable, toujours citée comme une épitaphe exceptionnelle dans l'histoire américaine.
Mais quelle était exactement cette phrase mémorable ?

On rapporta que Stanton avait prononcé ces mots coulés dans le bronze : "Now he belongs to the ages"
(maintenant il appartient à l'histoire). Mais le sténographe Tanner, lui, bien que n'ayant pas noté la phrase en sténo,
se souvenait d'avoir entendu autre chose : "Now he belongs to the angels" (il s'en est allé auprès des anges).
Les deux mots "ages " et "angels" sont extrêmement proches phonétiquement, et la substitution de l'un à l'autre
pourrait être un petit trait de génie rhétorique de la part de Stanton, un ancien avocat (ou alors une innocente
transformation de sa mémoire), ou, innocemment également, une modification de témoins à la mémoire peu fiable.
Les historiens débattent, ils sont là pour ça. Mais ceci pose la question de savoir si un sténographe, par habitude professionnelle,
n'est pas, plus qu'un quidam ordinaire, quelqu'un de plus exercé à la mémorisation des paroles sous leur forme exacte.

Voici ce que dit Tanner :

"The Reverend Dr. Gurley stepped forward and lifting his hands began “Our Father and our God” and I snatched pencil
and notebook from my pocket, but my haste defeated my purpose. My pencil point (I had but one) caught in my coat and broke,
and the world lost the prayer, a prayer that was only interrupted by the sobs of Stanton as he buried his face in the bedclothes.
As “Thy will be done, Amen” in subdued and tremulous tones floated through the little chamber, Mr. Stanton raised his head,
the tears streaming down his face. A more agonized expression I never saw on a human countenance as he sobbed out
the words: “He belongs to the angels now.” "

http://abrahamlincolnassociation.org/Newsletters/11-3.pdf
http://www.newyorker.com/reporting/2007/05/28/070528fa_fact_gopnik
http://www.thisdayinquotes.com/2011/04/now-he-belongs-to-ages-or-maybe-to.html


3) Et si la mémoire de notre sténographe flanchait ?

L'histoire ne s'arrête pas là. Le vice-président de Lincoln était Andrew Jackson, qui lui succéda automatiquement
en vertu de la constitution. Malgré ce que dirent certains, prompts à arranger les choses, on sait que Jackson n'était pas
présent auprès de Lincoln dans la maison où ce dernier fut emmené. Les ennemis politiques de Jackson lui reprochaient
un certain penchant pour la bouteille, et le Sénateur Stewart, représentant le Nevada, prétendait même, dans ses mémoires
publiés en 1908, que, dans la nuit fatale, Jackson était très loin de là, enfermé dans une maison, ivre mort, et pas visible
en public pendant un jour ou deux. Or, chose étrange, Tanner accepta cette version calomnieuse écrite 43 ans après les faits,
et peu compatible avec ce qu'il avait pu connaître. La mémoire joue des tours même aux vieux sténographes.


4) Où on a des frissons dans le dos

C'est fini ? Non. L'histoire ne s'arrête toujours pas là. Il y a à Washington un bâtiment appelé le National Building Museum,
doté d'une immense salle caverneuse avec des colonnes corinthiennes, dont la construction fut terminée en 1887.
Il servait à l'époque de bureau pour la gestion des pensions versées aux soldats, veuves et orphelins à la suite
de la Guerre de Sécession, poste budgétivore pendant de nombreuses années, d'où le nom courant de Pension Building.
Dans les années 1940, il fut utilisé pour un tribunal, la Superior Court of the District of Columbia. Or voilà que, dans ce temps-là,
des veilleurs de nuit déclarèrent y rencontrer divers fantômes, dont, carrément, un homme à cheval.

Ces histoires furent utilisées par la romancière Margaret Truman (la fille du président Truman) pour un roman appelé
Murder on the Potomac (1944). Il faut dire que Margaret Truman avait l'oreille fine, elle prétendait avoir entendu
des bruits bizarres à la Maison Blanche.

Seulement, chose un peu inattendue tout de même, les veilleurs de nuit, à ce qu'on dit, déclarèrent aussi être tombé
nez à nez avec le fantôme de Tanner. Pourquoi Tanner ? Tanner, ami politique du Président Harrison, avait été nommé
"Comissioner of pensions" dans un petit renvoi d'ascenseur. Tanner, bon garçon, favorisait ses petits camarades,
au point que plus tard Theodore Roosevelt dut l'expédier dans un autre poste.

Est-ce que Tanner venait grommeler la nuit pour s'être fait sacquer par Roosevelt ? Je ne sais. Bon, il est vrai qu'en plus
un amputé des deux jambes ne se déplace pas sans faire du bruit. Ça devait être assez impressionnant.
Si vous regardez des photos de l'intérieur du Pension Building, et que vous vous imaginez tomber sur Tanner
qui clopine vers vous nuitamment, je suis sûr que vous oublierez votre sténo vite fait.

Ici s'arrêtent, pour de bon, les aventures du sténographe Tanner.

http://en.wikipedia.org/wiki/Reportedly_haunted_locations_in_Washington,_D.C.


Un document non daté de six pages (pas en sténo) de la main de Tanner, mis à prix par Christie's à New York le 19 mai 2006
avec une estimation entre 6000 et 9000 dollars, s'est finalement vendu pour 16800 dollars :
http://www.christies.com/LotFinder/lot_details.aspx?intObjectID=4713784
[Dans le document de Christie's, le Général Augur est appelé Auger par erreur. Fatalitas, Augur mourut lui-même assassiné en 1898.]
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