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Cossard 1651 : le premier traité français de sténographie

 
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mttiro



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MessagePosté le: Sam 22 Oct 2011 9:53 pm    Sujet du message: Cossard 1651 : le premier traité français de sténographie Répondre en citant

Cet incompris que fut l'abbé Jacques Cossard mérite bien un petit hommage.
Ce concepteur, sur qui on ne sait pratiquement rien, est l'auteur du premier traité
de sténographie française connu, publié en 1651
(on n'a pas à compter le texte purement programmatique de Le Cuirot, 1623, comme l'observe René Havette).
Il s'appelle : Méthode pour écrire aussi vite qu'on parle.

Ce traité un peu méconnu est pourtant aisément accessible, parce qu'il a été réédité en fac-simile
par R. Havette en 1903, initiative très utile car le livre n'est connu que par deux ou trois exemplaires.
On a la chance de trouver une numérisation de ce facsimile ici
(l'avant-propos de Havette a été déplacé à la fin) :
http://www.forschungsstaette.de/PDF/Originale/Cossard-Methode1651.pdf

Cossard part de l'alphabet de son temps, à 22 lettres. Pas 26, parce que à son époque, "i" correspond
à nos "i" et "j", "v" à nos"u" et "v", et que "k" et "w" manquent à l'appel. C'est pourquoi la page de titre
est en fait imprimée comme suit :
Methode povr escrire avssi vite qv'on parle [...] Par Me Iacqves Cossard, Prestre, Bachelier en Theologie


Voici les caractéristiques de la méthode de Cossard :

1) Le système Cossard est du type que j'ai appelé graphographique (une sténographie alphabétique),
car ses symboles notent l'écriture alphabétique du français, quasiment sans conversion vers les sons
(contrairement à la phonographie de la majorité des grands systèmes ultérieurs).

2) C'est un système géométrique, car les symboles (table page 6) sont pratiquement tous des segments de droite
ou de courbe d'orientation et de dimension diverses. L'inspiration semble anglaise, sinon dans les détails,
du moins dans la philosophie ; il y avait eu vingt publications anglaises antérieures à celle de Cossard,
et il faudrait toutes les reprendre pour comparer et s'assurer de son degré d'originalité.
Ultérieurement le système de Ramsay (1681) sera clairement dérivé de celui de Thomas Shelton, dont j'ai brièvement parlé ailleurs.

La table de Cossard est aussi reproduite à part ici :
http://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/9/99/Cossard_shorthand_alphabet.png

3) C'est un système "arbitraire", en ce sens que la forme des signes n'est pas motivée, car il n'y a pas
d'appariement systématisé entre leur forme, dimension et orientation d'une part, et traits distinctifs
des phonèmes d'autre part (contrairement par exemple à la tendance nette chez Pitman ou chez Duployé).

4) C'est un système à sténogrammes, contrairement aux systèmes anciens à signes isolés (antérieur comme celui de
Samuel Shelton) ou à ceux, postérieurs, de Ramsay ou de Coulon de Thévenot, à syllabes isolées, au mieux.

En effet Cossard donne immédiatement un exemple de texte page 7, la prière du Notre Père, où l'on voit
que la graphie courante est mimée de façon pratiquement intégrale. Et on y observera que les signes
pour les lettres constituant un mot graphique sont liés entre eux, donc Cossard utilise des sténogrammes de façon "moderne".
C'est un point qui mérite d'être mis en évidence.

Ensuite l'auteur explique en détail comment ses signes sont beaucoup plus simples à tracer que les lettres usuelles,
qu'il décompose en leur éléments constitutifs. Il fait observer que la liaison entre ses signes est plus facile
que celle entre les lettres.

5) C'est un système abréviatif, bien entendu.

D'abord une petite facilité est présentée : si plusieurs lettres voyelles se trouvent dans un mot, on donne
le signe de la voyelle une fois, et on met un point au-dessus pour chacune des lettres voyelles supplémentaires,
par exemple dans "demener" (= démener, on est avare d'accents à l'époque). S'il y a répétition de lettre consonne,
on mettra un ou plusieurs points sous le signe, selon le même principe. Cossard ne dit rien du moment où
on trace ce ou ces point(s), ce qui pourrait poser un problème dans le tracé d'un sténogramme
sans lever de plume, point fort de sa méthode qu'il met en avant par ailleurs.

Telles sont les bases du système.

Dans une deuxième partie, Cossard présente des abréviations diverses. Les lettres non prononcées
ne seront pas notées par un signe. Pour ce qui est de la débauche apparente des signes dans l'exemple
du Notre Père, on doit tenir compte du fait que, dans le français de Cossard, certaines lettres se prononçaient
qui sont devenues muettes depuis, très particulièrement en fin de mot (et inversement). Voir la note finale
sur la prononciation du français classique.

Cossard donne des exemples d'abréviations de mots dans un esprit qui rappelle un peu Scott de Martinville,
mais sans aucune systématicité. Par exemple l'inévitable "-ment" sera représenté par un "m" suivi d'un point.
Je passe les détails. Cossard illustre ces condensations par un exemple page 17, d'une prière qui commence ainsi :
"Dliur mi Sgnr d la mo etnel e rgad n pitie mo am crmnl [...]" = "Délivre-moi Seigneur de la mort éternelle
et regarde en pitié mon âme criminelle". Cette notation "squelettique" est ensuite représentée page 18
avec ses signes géométriques.

Dans une troisième parte, Cossard traite des abréviations de plusieurs mots en séquence.

J'ignore si Cossard a eu des disciples. Il ne semblerait pas. Karl Faulmann dit à la page 25 de son Geschichte und Literatur
der Stenographie (1895) :
"Trotzdem scheint Cossard's Werk keinen Anklang gefunden zu haben, über seine praktische Anwendung
ist gar nichts bekannt, ebensowenig von neuen Auflagen des Buches; es blieb so unbekannt, dass 27 Jahre später
ein minderwertiges System in Frankreich als ein neues Evangelium begrüßt wurde und bis zum Ende des Jahrhunderts
eine Reihe von Auflagen erlebte. Es ist nicht immer das Gute, welches siegt."

Quand Faulmann mentionne un système inférieur à celui de Cossard 27 ans après, malgré son accueil
comme un nouvel Evangile, il semblerait, malgré un problème de datation, faire allusion ici à la méthode
de Charles Aloysius Ramsay, la seconde méthode parue en France, sous l'inspiration de Thomas Shelton
(Ramsay ne semble pas avoir entendu parler de Cossard), et qui eut un certain succès en effet.
Pourtant l'infériorité de Ramsay sur Cossard est, c'est vrai, patente, car Ramsay isole les syllabes et même les signes des lettres.
Anecdote : en octobre 2011 un exemplaire du Ramsay est proposé à la vente par un libraire parisien pour la somme de 1500 euros.

L'apophtegme final de Faulmann selon lequel la victoire n'appartient pas toujours à ce qui est le meilleur,
correspond par avance à ce que j'avançais ici (dans la section 7) :
http://forumsteno.vosforums.com/quelle-proportion-de-tachygraphies-reussies-t591.html

Dans son Histoire de la Sténographie, Scott de Martinville estime aussi que Cossard n'a pas eu d'échos.
Page 39 : "Ce qui me porte a croire que ce petit traité est le premier ouvrage sur cette matière qui ait paru en France,
c'est le silence des bibliophiles et des biographes sur tout ouvrage antérieur ; et ce qui me ferait penser aussi
qu'il a été peu répandu, c'est qu'il renferme des idées fort ingénieuses dont les sténographes auraient sans doute eu soin de profiter."
Puis :
"L'auteur dit avoir trouvé l'idée d'un système d'abréviations dans Quintilien, liv. X, ch. 4. Mais ce qu'il faut constater ici,
c'est que, malgré quelques idées ingénieuses qu'on rencontre dans Cossard, et bien qu'il soit sur la voie des vrais principes,
si sa méthode a pu donnera quelques personnes le moyen de suivre la parole, il est grandement a croire qu'elles n'ont
pas pu se relire au bout de quelques jours, et, à plus forte raison, être lues des personnes auxquelles elles ont soumis
leur écriture et qui pratiquaient la même méthode. Ce sera toujours la la pierre de touche de tout système sténographique
qui prétend a la popularité."


Note 1, sur la prononciation du français classique :

La restitution théâtrale de Benjamin Lazar (les "-s" finaux de pluriel sont parfois prononcés,
mais est-ce de l'emphase pour la scène ?) :
http://www.youtube.com/watch?v=suPosOis4Qc

Sur la prononciation du français de l'époque, voir ce bref compte rendu, où on voit que, au contraire,
certaines consonnes finales écrites n'étaient pas prononcées
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ahess_0395-2649_1947_num_2_2_3297_t1_0246_0000_1

Programme de synthèse vocale du français classique :
http://corela.edel.univ-poitiers.fr/index.php?id=1050
Les auteurs notent par exemple que, l'opposition de longueur vocalique étant très vivante, l'opposition
entre "pied" singulier et "pieds" pluriel se faisait entre /pje/ avec voyelle brève et /pje:/ avec voyelle longue.
Bien entendu cette opposition existait entre "né" /ne/ masculin et "née" féminin /ne:/, comme encore aujourd'hui
dans certaines variantes régionales.

Et quand Scott de Martinville dit dans son Histoire de la sténographie, page 45, à propos de Ramsay, que
"On pourrait, sans être trop sévère, reprocher a ce système de vouloir inutilement tout exprimer , même le pluriel,
quand il ne sonne pas autrement que le singulier", il n'est pas sûr qu'il ait raison, car Ramsay, quoique Ecossais,
voulait peut-être noter des distinctions que le français de l'époque, tel qu'il l'entendait, respectait mais que
le français de Scott ne suivait plus.

Ajout à note 1 (mai 2019). Sur la prononciation du français vers 1700, voir le remarquable ouvrage de Gile Vaudelin.
https://alexandrin.org/focus/prononciationcomedie/

Note 2, sur René Havette, éditeur de Cossard

Le sténographe judiciaire René Havette (1868-1941) est l'auteur de les procédés abréviatifs et sténographiques
employés pour recueillir les sermons du XXe au XVIIe siècles, 1903 :
http://www.archive.org/stream/lesprocdsabr00have#page/n0/mode/2up

Et aussi d'une Bibliographie de la sténographie française (1906) :
http://www.archive.org/stream/bibliographiede00havegoog#page/n9/mode/2up
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