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Duployé: les adaptations à la langue anglaise
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mttiro



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MessagePosté le: Mar 09 Juil 2019 1:49 pm    Sujet du message: Répondre en citant

À la fin d’une de ses publications, Denis Romulus Perrault donne la liste des adaptations de la Duployé qu’il déclare avoir mises au point :

Author of Adaptation of Stenography to English, Volapuk, Greek, Italian, Arab, Russian. Chinese, Iroquois, Montagnese, Algonquin, Hudson Bay and St. Maurice Indian, etc.

Ça ne peut évidemment être qu’en collaboration avec des spécialistes innomés, vu qu’un tel polyglottisme est très très hautement improbable.
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mttiro



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MessagePosté le: Dim 14 Juil 2019 10:28 am    Sujet du message: Répondre en citant

Voici une caractéristique majeure à noter dans les adaptations anglaises de la sténographie Duployé.

Ces adaptations seraient au nombre d’une douzaine au moins : pour un panorama large, il faudrait en effet tenir compte des 6 noms récemment mentionnés dans un post de Fred. Mais les seules adaptations auxquelles j’ai accès, soit via Internet, soit pour avoir acheté la publication chez un bouquiniste, sont les 5 suivantes : Manseau, Helen Pernin, Perrault, Sloan, Nann, lesquelles, je pense, étaient aussi les plus connues.

Sloan était je crois anglais, Manseau, Pernin et Perrault étaient canadiens, ou en tout cas ont proposé leur adaptation pour les Canadiens anglophones et francophones, et enfin Charlotte Nann était suisse et visait des utilisateurs suisses et plus généralement francophones d’Europe.

Si on examine ces 5 méthodes, Manseau, Pernin, Perrault, Sloan et Nann, en tout cas pour ce qui est du cœur du système, et en négligeant les effets des divers procédés abréviatifs, alors on observe un trait remarquable : elles transcrivent toutes sans exception un anglais à prononciation dite rhotique. C’est même le cas chez Sloan, alors que sa prononciation personnelle était possiblement ou vraisemblablement non-rhotique.

Que veut dire « rhotique » ? Une variété d’anglais qui est rhotique est une variété où le phonème correspondant à la lettre r (éventuellement redoublée, rr) est prononcé en toute position dans le mot. C’est la prononciation anglaise ancienne, celle, par exemple, de Shakespeare. Elle persiste comme la norme presque universelle aux Etats-Unis (sauf la vieille prononciation bostonienne) et au Canada.

Mais en anglais britannique standard, en Afrique du Sud, en Australie et en Nouvelle-Zélande, la prononciation est non-rhotique, c’est-à-dire que les r écrits ne se prononcent plus dans certaines positions.

Ils se prononcent :
- au début des mots (red, right, write, rote, wrought, risk),
- intérieurement dans le mot entre voyelles (very, corrupt, Tory, forest)

Mais (sauf certaines liaisons) :
- pas en fin de mot (far, fir, car, more, tore, pure, endure, require, father, mother, sister, brother, bother, latter, utter),
- ni non plus devant consonne (farm, bard, bark, farce, part, port, board, bird, word, force).

La perte du /r/ devant consonne ou en fin de mot est acquise en britannique standard entre la fin du XVIIIe siècle et le début du XIXe siècle, avec quelques variations persistantes pendant un demi-siècle. Les citoyens de la jeune républicaine américaine s’étonnèrent de la prononciation anglaise chic, qui ne correspondait plus à la leur.

La conséquence pratique de cette divergence entre variétés d’anglais est notable pour un concepteur de sténographie.


On peut prévoir que la fréquence en discours (tokens) du phonème /r/ va être nettement plus élevée en anglais rhotique, par exemple le General American, GA, ou la prononciation canadienne, qu’en anglais non-rhotique (par exemple ce qu’on appelait il y a peu la Received Pronunciation britannique, RP, celle qu’on enseigne normalement dans les lycées français).

Les études statistiques confirment largement cette intuition.

Un article de Rebecca E. Hayden (1950) disponible en ligne, montre que, en General American, le /r/ est la 3ème consonne la plus fréquente en discours, soit 7,10 % de tous les phonèmes, tant consonantiques que vocaliques. Les 3 consonnes en question, qui ont toutes une fréquence supérieure à 7 %, sont : /n/, /t/, /r/.

En revanche, en anglais britannique standard, les consonnes les plus fréquentes par ordre de fréquence décroissante sont : /n t s d l r/. Selon les données reproduites dans Cruttenden, Gimson’s Pronunciation of English, huitième édition, 2014, page 235, /n/ représente 7,62 % des phonèmes en discours (12,59 % des consonnes), mais /r/ 3,57 % de tous les phonèmes (5,79 % des consonnes).

Résumé : en anglais non-rhotique, type britannique, le /r/ est 2 fois moins fréquent en discours qu’en anglais rhotique, type américain ou canadien.


Quelles sont les conséquences pour une sténographie ?

Parmi les 5 méthodes que je compare, 3 ont été conçues pour des utilisateurs canadiens ou américains (Manseau, Pernin, Perrault). Sloan est un système d’origine anglaise, mais pratique la même politique de noter tous les /r/. Nann s’adresse à des francophones européens, dont le modèle pédagogique est la variété non-rhotique du britannique standard, et pourtant, elle aussi suppose une variété rhotique, type américain ou canadien, et non pas une variété non-rhotique, type britannique standard.

Pour noter /r/, ces 5 méthodes reprennent évidemment le signe originel de la méthode Duployé pour le français, la longue barre remontante de gauche à droite. Ceci conduit à un étalement spatial remarquable. Cela se constate dans des mots tels que : car, tore, door, bear, pure, part, farm, port, form, fork, torque, fur, fuel, sport, spar, spore, heart, Clerk, spark, pork, despair, confer, refer, demur, repair, et ainsi de suite.

Cet étalement spatial (montant dans une direction « nord-est ») est encore plus net, évidemment, dans des mots qui comportent 2 /r/ pré-consonantiques, comme : order, murder, murmur, further, boarder, porter, partner, Carter, bursar, martyr, barter, former, farmer, firmer, fervour, starter, harder, mortar, shorter, et ainsi de suite. Dans un mot comme murderer, il y a un seul /r/ prononcé en RP, mais 3 en GA ou en canadien.

Le choix fait par Manseau, Pernin, Perrault est parfaitement rationnel vu leur auditoire nord-américain et en particulier canadien. Dans le cas de Sloan, peut-être l’auteur a-t-il visé d’emblée un auditoire pan-anglophone, et a donc jugé réaliste de noter une variété rhotique.

Le cas de Mme Nann est peut-être moins justifiable, car il y a fort à parier que la majorité des élèves apprenant son système étaient des secrétaires suisses bilingues français / anglais. Toutefois, il faut bien reconnaître que, dans sa situation, il pouvait être considéré comme utile de permettre un accès rapide à des francophones natifs, habitués par exemple à la notation duployéenne de mots comme porc, dont l’anglais correspondant pork se déduit aisément, ou encore des paires comme F cour / A court, F pore / A pore, F port / A port, F spectre / A spectre, F torture / A torture. D’ailleurs, Mme Nann indique par exemple page 23 : «  On peut écrire comme en français des mots comme nature, culture, signature, literature, etc. ».


On relèvera que la sténographie Pitman note tous les r de l’écriture, avec l’un ou l’autre de deux signes selon les contextes.

Isaac Pitman, qui a vu le jour en 1813, était né et a officié dans une zone de l’Angleterre où les variétés locales étaient rhotiques, ainsi à Bath, dans le sud-ouest du pays. Et d’ailleurs, aujourd’hui encore, les variétés locales sont restées rhotiques, comme on peut l’entendre dans ce petit cours introductif sur la prononciation de Bristol :

https://m.youtube.com/watch?v=G3vCiqUuhWc

J’ai donc tout lieu de supposer que Isaac Pitman avait lui-même un accent rhotique. Il s’adressait à des Anglais qui, même lorsque eux-mêmes étaient passés à un accent non-rhotique, gardaient une grande familiarité avec les variétés rhotiques, encore extrêmement répandues, et pouvaient même avoir des grands-parents rhotiques.

Dans ces conditions, le choix que fit Pitman de noter tous les <r> écrits se justifie parfaitement du point de vue sociolinguistique et du point de vue pratique.

Antérieurement, le système sténographique de Samuel Taylor (1786) se basait lui aussi sur une prononciation rhotique.

Antérieurement encore, le système de Gurney, remontant à la fin de la première moitié du XVIIIe siècle, était évidemment à base rhotique (d’autant qu’il était plutôt basé sur l’écriture que sur la prononciation). C’est le système qu’utilisait Charles Dickens.

Il va de soi que les systèmes américains comme celui de Gregg sont à base rhotique.


Ainsi, au moins dans l’état actuel de mon information, je ne connais aucune sténographie de l’anglais qui note assez fidèlement la prononciation britannique standard en vigueur depuis environ deux siècles, sauf le cas remarquable que je vais dire, celui de Sweet.


Dans l’histoire de la sténographie, Henry Sweet (1845-1912) était un cas extrêmement atypique, et peut-être pas loin d’être unique. C’était non seulement un concepteur de sténographies (deux systèmes, un à base graphique, un à base phonologique), mais d’abord un des plus éminents phonéticiens de son temps. Si certains concepteurs de sténographies avaient une très bonne saisie intuitive du système phonologique de leur langue (ainsi Émile Duployé), aucun, je crois, ne bénéficiait de la compétence exceptionnelle d’un Sweet.

Sweet, né à Londres et mort à Oxford, avait lui-même une prononciation non-rhotique de type RP « ancien », qui devait ressembler à celle du célèbre phonéticien Daniel Jones (celle qu’on m’a enseignée en sixième, et qui au demeurant ne correspond plus tout-à-fait au standard actuel).

En 1892 il publie A Manual of Current Shorthand, orthographic and phonetic. Dans la deuxième partie, qui propose un système sténographique de style cursif à principe phonographique, Sweet se base sur la prononciation britannique standard RP (qui est aussi la sienne), et donc sur une variété non-rhotique. Il indique ainsi expressément (voir page 58 = vue 78/166) qu’on ne note pas les <r> dans des mots comme card, far : « In English, final (r) [mais il veut dire aussi le r interne devant consonne] is always dropped except before a word beginning with a vowel; as in Shorthand we always write the shortest forms, we ignore the final (r) altogether [...] ». La justification de Sweet est donc double, linguistique et sténographique : il note fidèlement un anglais non-rhotique, et sa notation est maximalement économique quant au tracé.

La sténographie de Henry Sweet, d’allure gabelsbergoïde, est restée confidentielle et n’a connu aucune postérité, car, comme son admirateur Bernard Shaw l’observait, Sweet, esprit quelque peu impatient, qui fut pour Shaw un modèle du professeur Higgins de sa pièce Pygmalion (passée en comédie musicale, ensuite adaptée au cinéma, sous le nom de My Fair Lady) était dénué de tout entregent commercial. C’était essentiellement un savant. Et cela contrairement à Pitman, à Gregg, ou à la fratrie Duployé, tous chefs d’entreprise extrêmement actifs, recourant aux méthodes modernes de l’époque, y compris les cours par correspondance. Sweet ne pouvait pas non plus s’appuyer sur une position socialement influente, contrairement à celle d’un Albert Delaunay, docteur en droit, avocat de formation, sténographe réviseur au Sénat, dont les disciples répandirent efficacement la méthode Prévost-Delaunay. Les Duployé ont pu aussi bénéficier du réseau des établissements d’enseignement catholique. En effet, parmi les 4 frères Duployé, Emile, Aldoric, Jules et Gustave, Émile et Aldoric étaient prêtres.

https://www.liessenotredame.fr/commune/histoire-de-la-commune/personnages-historiques-liessois/labbe-emile-duploye/

Sweet était un solitaire.
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